Regardaient-ils tous ailleurs ?
Explorons la montée du fascisme des années 1930, ses dynamiques économiques et politiques pour mieux comprendre l'actualité.

L'image du Hindenburg au-dessus de New-York, arborant fièrement la croix gammée sur son empennage m'a toujours paru tirée d'un récit uchronique dans lequel les nazis auraient remporté la guerre.
Mais elle est bien réelle.
Les nazis et les USA ont donc eu (temporairement) des relations pacifiques. Cela parait irréel de nos jours, où l'évocation-même du mot "nazi" fait résonner les fantômes d'atrocités que l'on ne souhaite jamais revivre.
Comment le parti national socialiste était-il perçu avant la seconde guerre mondiale ?
Plongeons dans l'histoire turbulente des années 1930 pour explorer le contexte international et les réactions des principales puissances face à la montée du fascisme en Allemagne.
Comme l’histoire semble se répéter de manière intrigante, peut-être qu'étudier cette montée du fascisme en Europe dans les années 1930 nous permettra d'identifier, comprendre et anticiper les tendances contemporaines vers l'extrême droite en occident, notamment à la suite de la seconde élection de Donald Trump et l'implication d'industriels d'opportunistes comme Elon Musk.
Car l’ascension du nazisme en Allemagne ne s’est pas limitée à une simple prise de pouvoir politique. Elle a également provoqué des réactions diverses parmi les industriels et les grands patrons européens et américains.
Ces figures de l'économie ont parfois joué des rôles décisifs en soutenant ou en s'opposant à la montée du régime nazi, et leur accueil, ainsi que leurs actions, ont profondément influencé l'histoire économique et politique de l'époque.
Plongeons ensemble dans cette période complexe en analysant à la fois les réactions politiques mais aussi économiques
Allemagne
Nous sommes obligés de commencer par l'Allemagne, forcément, et comme l'histoire de la prise de pouvoir d'Hitler est plutôt connue, concentrons nous sur la vision des patrons allemands de l'époque.
Un Soutien Intéressé et Stratégique de l'industrie
En Allemagne, de nombreux chefs d’entreprises étaient initialement méfiants vis-à-vis du nazisme. Cependant, cette méfiance s'est estompée au fur et à mesure que le Parti nazi est devenu une force politique incontournable dans les années 1930. En particulier, les grands industriels allemands ont vu dans le nazisme un rempart contre le communisme et une opportunité pour rétablir les profits après la Grande Dépression.
La Promesse de Stabilité Économique et Sociale
Les années de la République de Weimar avaient été marquées par une instabilité économique et politique. Les mouvements ouvriers et les partis communistes menaçaient les intérêts de la classe industrielle. Adolf Hitler et son parti ont promis de rétablir l'ordre, de soutenir le capitalisme privé et de lutter contre le bolchévisme, ce qui a rapidement séduit de nombreux industriels.
Les figures éminentes du secteur industriel allemand, dont Ferdinand Porsche (industrie automobile) et Gustav Krupp (industrie de l'acier), ont apporté un soutien direct et financier à Hitler. Ils voyaient en lui quelqu'un capable de renforcer l'économie et d'étendre les marchés allemands grâce à ses ambitions expansionnistes.
Les Concessions Faites aux Industriels
En tant que chancelier, Hitler ne tarda pas à récompenser ses alliés industriels. La disparition des syndicats indépendants et la mise en œuvre de politiques pro-industrie telles que le réarmement, qui entraîna une augmentation substantielle des commandes publiques, ont été accueillies à bras ouverts par les grands patrons. L'industrie a profité des projets de travaux publics tels que la construction d'autoroutes, créant des emplois et stimulant l'économie, souvent au profit des entreprises avec des liens proches du parti nazi.
La France : Entre Craintes et Dilemmes
L’ombre de la Première Guerre mondiale plane encore largement sur la France des années 1930. Les cicatrices de l’un des conflits les plus meurtriers de l’histoire récente sont encore visibles. En 1933, quand Adolf Hitler accède au poste de chancelier allemand, la France observe avec une inquiétude croissante.
La Peur de la Guerre et du Communisme
Le traumatisme de la Grande Guerre reste présent, et l'idée d'un nouveau conflit en Europe est purement et simplement terrifiante pour de nombreux Français.
En même temps, une autre peur se développe : celle du communisme. À la suite de la Révolution russe de 1917, la France, comme beaucoup de pays occidentaux, perçoit le communisme comme une véritable menace. Cette dualité rend la position française particulièrement complexe vis-à-vis de l’Allemagne nazie.
Entre Méfiance et Opportunités Commerciales
En France, les grands industriels ont observé l'évolution en Allemagne avec un mélange de prudence et d'attrait potentiel. Malgré l’opposition politique au nazisme au niveau national, les relations économiques ont parfois pris une tournure pragmatique.
Précautions contre l'Expansion Nazie
L’agressivité croissante de l’Allemagne nazie créa d'importantes craintes parmi les dirigeants industriels français. En particulier, les secteurs de la défense et de l'industrie lourde se mobilisèrent pour renforcer les capacités militaro-industrielles françaises au cas où le conflit deviendrait inévitable.
Les grands magnats français, tout en étant conscients des horreurs potentielles du nazisme, décidèrent que certaines opportunités commerciales étaient difficiles à ignorer. Les produits du luxe, la chimie fine et d'autres industries entretinrent des relations commerciales prudentes mais souvent lucratives avec l’Allemagne, rendant la position française parfois ambivalente.
La Ligne Maginot : Protection Illusoire ?
La France mise beaucoup sur la Ligne Maginot, une série de fortifications construites le long de la frontière franco-allemande. En théorie, elle doit protéger la France contre une invasion allemande. Pourtant, cette ligne est un couteau à double tranchant : derrière sa fausse sécurité, elle alimentera un faux sentiment d'invincibilité.
Des Tâtonnements Diplomatiques
Le Front populaire, une coalition des partis de gauche, prend le pouvoir en France en 1936 sous la direction de Léon Blum. Ce dernier tente de concilier pacifisme et fermeté face au péril nazi.
Cependant, les troubles économiques et l'instabilité politique interne empêchent souvent le gouvernement français de prendre des mesures décisives. Leurs débats internes interminables ressemblent parfois à un dîner de Noël en famille rempli de désaccords passionnés.
Les USA : Distants et Prétentieux
Des années 1930 aux années 1940, les États-Unis déploient une politique isolationniste renforcée par la Grande Dépression. Le président Franklin D. Roosevelt concentre ses efforts sur la guérison économique interne via le New Deal, un programme ambitieux de réformes sociales et économiques.
Isolationnisme et Neutralité
L’esprit d’isolationnisme imprègne profondément la politique étrangère américaine. Pour de nombreux Américains, les troubles européens sont vus à travers la lorgnette d’un spectateur distant assis dans un café : fascinant mais pas leur combat. En 1935, 1936 et 1937, le Congrès adopte les lois de neutralité pour éviter toute implication dans les conflits européens, affichant un “Non, merci” à toute idée d’intervention.
Déterminisme Économique
Aux États-Unis, l’accueil du nazisme par les grands industriels fut un tableau complexe. Initialement, malgré l'isolationnisme politique, beaucoup d’industriels américains considéraient l'Allemagne comme un marché essentiel de reprise après la Grande Dépression.
Investissements et Production
Des entreprises comme Ford et General Motors avaient des filiales en Allemagne et continuaient leurs opérations même pendant le Troisième Reich. Ces entreprises voyaient souvent la croissance économique promise par le régime nazi, en partie stimulée par le réarmement, comme une occasion de maintenir les profits. Les filiales contribuaient de manière indirecte à l’effort de réarmement nazi, un fait controversé qui résonne historiquement.
Débats et Controverses Éthiques
Cependant, à la fin des années 1930, les voix s’élevèrent contre cette collaboration perçue. Les horreurs du régime nazi rapportées dans la presse américaine poussèrent de nombreux industriels à reconsidérer leur implication. Certaines entreprises furent critiquées pour avoir continué à opérer en Allemagne, tandis que d'autres commencèrent à réduire ou cesser leurs relations.
Lent Éveil aux Menaces Mondiales
Roosevelt, cependant, commence petit à petit à comprendre la menace mondiale que constitue le nazisme. Mais faire bouger l’opinion publique américaine n’est pas mince affaire, surtout face à une population préoccupée principalement par la relance économique et bien peu alarmée par les nouvelles lointaines venues d’Europe.
Le Royaume-Uni : Apaisement et Vigilance
Au Royaume-Uni, les années 1930 sont marquées par des politiques d'apaisement dans l'espoir de maintenir la paix avec l'Allemagne. Neville Chamberlain, Premier ministre à la fin des années 1930, est l’un des fervents défenseurs de cette approche.
La Politique d'Apaisement
Pour Chamberlain, la paix est l'objectif ultime. Convaincu qu’une paix durable peut être réalisée, il se rend à Munich en 1938 pour négocier les accords censés apaiser Hitler en consentant le rattachement des Sudètes à l’Allemagne. Avec son fameux “peace for our time”, Chamberlain rentre au pays convaincu d’avoir évité un conflit... L’histoire jugera cette démarche autrement.
Stratégies d’Investissement et de Prudence
Pour des industriels britanniques, l’ascension du nazisme représentait autant une menace qu'une occasion économique. Les relations commerciales avec l'Allemagne, leur deuxième plus grand partenaire commercial avant la guerre, furent un domaine de discussions stratégiques intenses.
Les industries britanniques étaient divisées entre préserver des relations commerciales vitales et la prise de conscience croissante que soutenir indirectement l’économie allemande pourrait renforcer un potentiel adversaire. Alors que certaines entreprises exploitèrent les opportunités commerciales, d’autres restèrent sceptiques et concentrèrent leurs ressources à préparer une économie de guerre.
Le Double Jeu Diplomatique
Le commerce avec l'Allemagne fut souvent maintenu sous prétexte de relations diplomatiques nécessaires, visant à éviter la montée des tensions. Pourtant, au fur et à mesure que la menace devenait plus imminente, le dialogue s’intensifia autour des implications morales et stratégiques, obligeant plusieurs entreprises à réévaluer leurs priorités commerciales.
Une Position qui Divise
Mais tout le monde n’est pas en faveur de l’apaisement. Winston Churchill, alors encore en dehors du pouvoir, ne cesse d’alerter le gouvernement et la nation sur les dangers croissants que représente le Troisième Reich. Un peu comme le sale gosse qui n’hésite pas à crier au loup lors des réunions de famille.
Réarmement et Précautions
Malgré l’apaisement apparent, le Royaume-Uni commence à investir prudemment dans ses forces armées. Le réarmement prend du temps, et bien qu’il soit percé à jour au moment du déclenchement de la guerre, il reste incomplet.
La Réaction Internationale
Durant ces années cruciales, chaque nation navigue avec ses propres craintes et intérêts stratégiques.
L'apaisement de Munich
La conférence de Munich est la quintessence des efforts d’apaisement.
Elle a permis à Hitler d'annexer les Sudètes, avec l'accord du Royaume-Uni, de la France et de l'Italie, dans une tentative d'apaisement pour éviter la guerre. Clairement, cela semble apaiser Hitler, à court terme tout du moins.
Mais ce n’est qu’un soulagement temporaire qui pave la voie à une expansion allemande inexorable. Hitler, encouragé par cette cession sans combat, pousse ses revendications agressives encore plus loin.
L'Antisémitisme Ignoré
Un autre aspect critique est l’antisémitisme croissant en Allemagne, qui reste largement méconnu ou passé sous silence à l’international. Les pogroms, telles que la Nuit de Cristal en 1938, démontrent la brutalité naissante contre les Juifs. Ces attaques suscitent quelques critiques, mais une réponse internationale concertée fait défaut.
Mécanismes d'Appui et de Résistance
L’ascension du nazisme et son accueil par les industriels ne furent pas des phénomènes isolés. Des entreprises internationales, cherchant souvent à maintenir de bons résultats financiers, jonglèrent avec des considérations complexes d’éthique, de stratégie et de profit.
Certains entreprises furent accusées de collaborer, parfois involontairement, à l'effort de guerre nazi. Il y eut cependant des efforts pour limiter cette implication, par des gouvernements cherchant à influencer par des sanctions et des pressions diplomatiques.
Le Sombre Déclenchement
À la fin de la décennie, le monde est un château de cartes prêt à s'écrouler. En 1939, la signature du Pacte germano-soviétique permet à l’Allemagne de s’immuniser contre l’Est. Peu après, la Pologne est envahie, déclenchant la Seconde Guerre mondiale. La France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne, réalisant un peu tard la véritable nature conquérante d’Hitler.
Pour le monde, cette période est un intense jeu de stratégie avec d’affreux renversements et des leçons difficiles.
Les années 1930 furent précieuses en leçons pour les entreprises sur l’impact de la politique sur l’économie. Pour certains, les bénéfices à court terme réalisés grâce à leur association avec le régime nazi furent éclipsés par la réalité destructrice de la guerre qui suivra. D'autres, cependant, ont développé des relations plus bénéfiques et éthiques en investissant dans la paix et la reconstruction après guerre. Mais d'autres encore s'en sortiront indemnes malgré des prises de positions en faveur du nazisme.
Une Ère d'Opportunités et de Risques
L’accueil du régime nazi par les industriels européens et américains montre à quel point l’économie était étroitement liée à la politique durant cette période tumultueuse. C’était une époque d’immenses opportunités aveuglant parfois aux risques et aux dilemmes moraux.
Les parallèles entre la montée du fascisme dans les années 1930 et les récents virages vers l'extrême droite révèlent une synchronicité troublante de motivations économiques partagées. Les bénéfices à court terme sont souvent aveuglés par des implications éthiques plus larges, des dilemmes qui continuent de poser des questions cruciales sur la responsabilité des grandes entreprises dans le façonnement des sociétés.
Elon Musk, idole de l'innovation moderne et par ailleurs voix influente du marché, se tient à l'orée de ce changement politique, suscitant à la fois l'admiration et la crainte. Comme certains de ses prédécesseurs des années 1930, Musk, parmi d'autres grands noms de la Silicon Valley et de Wall Street, semble naviguer en eaux troubles en jonglant simultanément avec un monde d'opportunités économiques et les idéaux du marché du libre-échange.
Trump promet une économie libérée des charges fiscales et régulatrices. Les industries comme l'énergie, la construction et même la high-tech, un brin libertaires, aperçoivent dans ce programme une opportunité de redéfinir leurs horizons économiques. Ce n'est pas sans rappeler comment les industriels allemands du passé appuyaient un régime qui leur ouvrait les portes d'une production sans restrictions ni syndicats puissants pour entraver leurs chemins.
Aujourd'hui, comme hier, chaque choix pèse lourd dans la balance historique. Comprendre ces parallèles n'est pas qu'un exercice académique, mais un avertissement à naviguer prudemment parmi les ténèbres politiques et économiques du monde contemporain. Qui veille sur nos horizons économiques et moraux ? Quelles leçons passées pouvons-nous appliquer pour garantir un avenir où progrès technologiques et conscience sociale convergents ?
Le passé ne définit pas seulement ce que nous avons fait, il guide aussi ce que nous devons faire pour un avenir plus conscient et responsable. Dans l'histoire, tout est lié, et l'engagement des grandes entreprises à l'égard des causes humaines et éthiques est plus pertinent que jamais.