DRM, mon amour
L'histoire du plus grand jeu du chat et de la souris entre les éditeurs d’un côté et les hackers de l’autre…
C’est quoi un DRM ?
Déjà DRM ça veut dire Digital Right Management ou Gestion des droits numériques… et comme d’habitude, quand on parle de droits en réalité, il s’agit ici de limitation.
C’est ce qui fait que la copie d’un logiciel (un jeu ou autre) ne pourra pas être exécutée du tout… ou seulement en partie (on y reviendra).
Le but est tout simple: éviter que des pirates copient le jeu trop facilement et que pour 1 personne qui achète le jeu, une centaine voir des milliers y jouent sans payer.
Mais il y a une deuxième problématique : celle de ne pas rendre trop punitive l’utilisation légale du logiciel et ne pas rendre le quotidien des acheteurs plus compliqué que celui des pirates.
Si aujourd’hui on a du mal à plaindre les gros éditeurs qui se font pirater un jeu à 60 euros, “jetable” finissable en 1 journée, avec une sortie annuelle et des bugs dans tous les sens, il fut un temps, les éditeurs de logiciels étaient bien plus nombreux et les volumes étaient beaucoup plus faibles. La rentabilité était plus dure encore à atteindre.
Mais cette multiplicité d’éditeurs a aussi apporté une multiplicité de solutions contre le piratage et aujourd’hui, je vais vous conter les solutions les plus utilisées, leur principe mais aussi des perles d’inventivité… et des fausses bonnes idées.
Remontons dans les années 80, le temps ou les disquettes étaient reines et le CD une technologie futuriste et inatteignable.
Attention, quand je parle de disquette, là je parle des grosses, souples, de 5”¼.
Ces disquettes étaient le support de stockage de prédilection car bien plus rapides que les cassettes (oui celles audio). Le problème c’est qu’elles étaient prévues dès le début pour permettre aux utilisateurs d’inscrire des données dessus.
Alors forcément, si des logiciels étaient distribués sur ce support mais que des supports vierges existaient aussi… cela a entraîné de la copie illégitime… même illégale.
Le problème était que lorsque les premier systèmes anticopie ont vu le jour (je reviendrai dessus plus tard), les gens étaient dans l’incapacité ou au minimum la difficulté de copier le jeu acheté légalement et quand on a un support extrêmement fragile comme ces disquettes souples, la fameuse “copie de sauvegarde” n’est pas une excuse bidon, mais une cruelle réalité.
Il y a donc eu 2 tendances liées à la fragilité du support: les programmes d’échange (normal) mais aussi la mention “NOT COPY PROTECTED” (pas de protection contre la copie) inscrite en gros sur les boites tel un argument de vente supplémentaire.
Mais si le disque n’est pas protégé, ne croyez pas que la lutte contre le piratage s’est arrêtée temporairement. Ils sont déplacé la protection dans le monde réel de la réalité véritable.
Dans les exemples moisis, on a les codes d’activation écrits sur l’étui, qui n’offrent pas grande protection puisque facilement recopiables. Le seul avantage est de pouvoir retracer la source des copies en circulation.
Mais on voit aussi apparaître des systèmes basés sur des goodies +/- interessants dans la boite.
Mon préféré est un système de lentille permettant de rendre lisible ce qui ressemble à un QRcode sur l’écran et ainsi obtenir un code à rentrer.
Les lentilles sont spécifiques à chacun des logiciels, bien évidemment. L’un des soucis étaient que des fois… ils se gourraient de boite.
Mais des solutions plus simples sont aussi apparues, moins dignes de Pif Gadget (les vieux savent), souvent basées sur l’impossibilité pour le grand public d’accèder à des technologies particulières.
J’explique :
- Lorsque les photocopieurs couleur n’existaient pas, il y avait dans la boite un livret avec un ou des tableau avec des cases colorées. Le logiciel donnait une ligne et une colonne, éventuellement une page, et vous deviez rentrer la couleur de la case désignée dans le livret… En tant que daltonien j’ai pas aimé.
- Certains RPG (jeux de rôles) fournissaient un livre assez épais, comme un livre de poche et là aussi, pour lancer le jeu il fallait entrer le mot à l’emplacement spécifié (page 32, ligne 12, mot n°3). La photocopie d’un livre aussi épais aurait été plus onéreuse que le jeu lui-même.
- Des roues en carton, très difficiles à recréer soi-même, à aligner d’une façon indiquée par le logiciel, et qui générait un second code qu’il fallait rentrer...
Bref, le principe restait le même: un objet dans la boite, impossible à refaire soi-même, servait à déverrouiller le logiciel. Sans cet objet, il était quasi impossible de le lancer.
On trouvera plus tard un système physico-logiciel: dans la boite, un petit appareil, une clef, à brancher sur le port imprimante, puis USB plus tard, appelée dongle qui doit être branché pour permettre le lancement du logiciel… voir son exécution en général.
Là aussi on joue sur l’impossibilité pour le grand public de produire une contrefaçon de ces dongles.
C’est encore très largement utilisé à l’heure actuelle pour les logiciels professionnels.
Car en entreprise, il peut y avoir plusieurs ordinateurs qui ont besoin de ce logiciel et il serait facile de se faire passer le livret entre collègues dans un même bureau. Cela garantit donc qu’une copie par poste utilisant ce logiciel sera bien achetée.
Le problème c’est que sa production est chère, donc cela limite son utilisation à des logiciels dont le prix est conséquent… et puis le nombre de ports est limité sur un ordinateur.
Vient alors l’arrivée du CD, beaucoup moins fragile mais TRES volumineux pour l’époque (les disques durs ne faisaient qu’un ou 2 Go) et surtout…ENCORE UNE FOIS impossible à reproduire par le grand public car les graveurs grand public n’existaient pas. Cela a été assez longtemps la seule protection nécessaire.
D’abord avec une partie des ressources du logiciel sur le CD, qui était techniquement nécessaire du coup, puis ensuite servant juste de clef permettant de montrer patte blanche au lancement et/ou lors des sauvegardes.
A l’arrivée des graveurs, on retourne à la bonne vieille solution d'empêcher la copie du support choisi..
Alors voici 3 techniques pour rendre un disque incopiable, sachant que ces principes s’appliquent aux CD mais s’appliquaient tout autant aux disquettes des années 80:
- presser des disques de 750Mo quand les seuls CD gravables disponibles sur le marché faisaient 650Mo maximum
- tricher dans la table des fichiers et/ou faire croire qu’un des fichiers a une taille gigantesque, ce qui ne permet de le copier sur aucun support puisqu’il monte virtuellement l’ensemble du logiciel à 1Go et qu’un CD gravable ne fait que 800Mo pour les plus gros encore aujourd’hui
- Donner au CD une “empreinte” physique, cad créer volontairement un “trou” ou des “rayures” dans les pistes, ces sections seront sans conséquences néfastes dans l'exécution mais il sera impossible de les reproduire avec un graveur et un logiciel conventionnel. Au lancement, le logiciel vérifiera non seulement le CD mais la présence de l’empreinte. La PS1 utilisait par exemple une empreinte près du centre.
Plus tard, la PS2 a introduit le DVD. Pas seulement pour en faire le lecteur DVD de salon le plus répandu du monde et ainsi faire décoller ce format, mais ce support a été choisi car incopiable au début faute de graveur grand public. Encore et toujours jouer sur l’impossibilité de reproduire le support.
D’ailleurs, il y a aussi le cas notable de la Dreamcast SEGA a décidé d’utiliser un disque particulier, gravé plus fin, le GD-ROM d’une capacité de 1.2Go.
Mais il y a des DRM plus subtils et basés sur une double autorisation, une compatibilité :
Votre lecteur de DVD (dans votre ordinateur et dans votre salon) est zoné, c’est à dire qu’il ne peut lire que les disques de sa zone géographique et donc un DVD des USA ne peut être lu en Europe. Cela vient d’un partenariat entre les fabricants de lecteurs et les studios. C’est aussi une forme de DRM.
D’ailleurs, on retrouve un “zonage” sur les consoles…
Pour info, N64 (entre autres) avait un zonage physique: les rainures d’insertion de la cartouche n’étaient pas au même endroit et bloquaient donc l’insertion d’une cartouche hors de la zone de la console, agissant comme une clef.
Un adaptateur était donc bien évidemment en vente…
Evidemment, avec l’arrivée d’internet, il est désormais coutume de vérifier en ligne la validité de votre copie. Pour les éditeurs, l’intérêt est que cette protection est un poil plus technique qu’un simple crack No-CD.
L’inconvénient.. c’est les lancements, les "Day One", qui demandent des serveurs capables de gérer la charge. Et là on peut dire que leur part du contrat n’est pas respectée.
Nous allons terminer par le plus subtil et, au final, le plus malin : on les connait sous le nom de “DRM Game Breakers” mais il y a eu des versions sur des logiciels qui ne sont pas des jeux vidéos.
Un game breaker est un originellement un bug qui rend le jeu impossible à terminer.
Dans le cas de DRM, son fonctionnement est simple: faire croire que vous avez déjoué les protections pour finalement buguer plus ou moins subtilement… et/ou vous faire vous dénoncer sur les forums… ou pour les plus gros pigeons, directement au SAV de l’éditeur (oui ça arrive).
Donc voici pour finir, et comme j’ai toujours rêvé de faire un TOP, voici le Top 5 des Meilleurs game breaker selon moi (et moi seul) :
N°5) Le plus énervant : Michael Jackson: The Experience (2010) : le doux son de vuvuzelas au lieu de la musique
N°4) Le plus subtil de tous: Batman: Arkham Asylum (2009) : du gaz empoisonné et... les ailes de la BatCape sont "trouées" et ne permettent pas de planer correctement
N°3) Le plus débile: Crysis Warhead (2008) : les armes tirent des poulets à la place des balles
N°2) Le plus éducateur : Game Dev Tycoon (2013) : votre boite coule à cause du piratage au bout d’un moment
N°1) Le plus cruel : EarthBound (1994) : Le RPG affiche un message... mais il se lance quand même. Mais il est plus difficile que la version légale, vous ne comprenez pas comment les autres font pour y arriver quand vous galérez comme un beau diable… Vous êtes trop forts et arrivez presque à la fin après des heures de jeu? Le jeu a une dernière blague pour vous : juste avant d’affronter le boss final, le jeu plante… et supprime votre sauvegarde !
Evidemment il en existe des milliers de ces DRM et quelques autres perles en terme de game breaker, mais je voulais finir cette chronique en rendant hommage au camps d’en face, ceux qui tentent de protéger la valeur de leur travail...
Surtout quand c’est fait intelligemment !