La tête dans un tunnel

Cet article aborde le TDAH, un trouble souvent incompris. On y explore les difficultés quotidiennes que vivent les personnes atteintes, mais aussi leurs forces.

La tête dans un tunnel
Photo by Ricardo Gomez Angel / Unsplash
Préambule : Je ne suis ni professionnel de santé, ni même psychologue, en cas de besoin, notamment si vous vous reconnaissez (ou reconnaissez un proche) dans cette description, n'hésitez pas à faire appel à des gens mieux qualifié-e-s qu'un blogueur.

Salut les petit-e-s neurodiv'... et les autres !

Aujourd'hui, on s'attaque à un sujet qui touche beaucoup de monde, mais qui reste souvent méconnu ou en tout cas très mal compris.

On va parler du TDAH, le Trouble du Déficit de l'Attention avec/sans Hyperactivité.

"Tout le monde est TDAH"

Avant de détailler un peu plus, je vais tuer dans l'œuf l'argument "tout le monde est un peu comme ça" :

C'est un spectre, on peut être plus ou moins touché par le phénomène, cela veut donc dire que c'est plus ou moins impactant sur la vie de tous les jours.

Tout le monde met un peu de sel dans ses plats, certes, mais si vous me voyez être tenté de mettre 100g de sel dans mon café le matin, j'espère que vous me demanderez de consulter.

De plus, comme dit l'adage "qui se ressemble s'assemble", donc si vos ami-e-s sont un peu comme vous, j'ai une nouvelle pour elleux : iels sont probablement touché-e-s aussi !

Enfin, si c'est vos parents qui ont cet argument qui dit que "c'est tout le monde qui est comme ça", il semble qu'il y ait un facteur génétique qui prédispose au TDAH, donc j'ai une nouvelle pour elleux aussi...

Petit bonus si on vous dit que "c'est une invention" parce que "de mon temps personne n'avait le TDAH", sortez la défense Pluton : c'est pas parce que Pluton n'a été découvert qu'en 1930 que la planète naine n'existait pas avant.

Garder le cap dans la tempête

Le TDAH, c'est un peu comme une tempête dans le cerveau, mais aussi un vent dans les voiles qui nous pousse parfois fort mais dans des directions inattendues.

C'est comme si on vivait dans un monde où tout se passe à la vitesse de l'éclair, où les pensées fusent dans toutes les directions, et où il est difficile de se poser ne serait-ce qu'un instant.

Vous êtes déjà allé dans un centre commercial bondé dans les jours précédents Noël ? Le vacarme, les cris, la musique assourdissante, les couleurs vives et les clignotement des guirlandes... Pour beaucoup, c'est une expérience au pire éreintante mais ponctuelle, voir pour certain-e-s une expérience super agréable.

Pour une personne avec un TDAH, c'est leur réalité quotidienne et c'est pas fun, pas fun du tout.

Chaque son, chaque image, chaque sensation est amplifiée, créant une cacophonie sensorielle qui peut être à la fois stimulante et épuisante. Parce que le cerveau tente de tout traiter à la fois, tout le temps.

Une vie en mode "turbo"... mais pas toujours dans la bonne direction, et même souvent dans la mauvaise !

Imaginez : Vous êtes au travail, assis devant votre ordinateur, déterminé à terminer ce rapport crucial qui a déjà pris du retard. Mais à peine avez-vous ouvert votre document que votre attention dévie.

Une notification attire votre œil. "Tiens, un email de Paul... Je me demande comment il va depuis le temps."

Et puis, vous vous souvenez du chocolat chaud que vous avez partagé la dernière fois que vous vous étiez donnés rendez-vous dans un café : "Oh, il faut que je pense à acheter du lait ce soir."

Avant même de réaliser, vous vous retrouvez à naviguer sur un site de recettes pour le dîner, puis à regarder des vidéos de chats sur YouTube.

Le rapport ? Oublié, relégué au second plan par un cerveau avide de nouveauté et de stimulation.

Une scène de la série Malcolm est un parfait exemple :

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Malcolm in the Middle S03E06 - Health Scare (intro)

Le TDAH, c'est un peu comme avoir un moteur V12 sous le capot, mais avec des freins défectueux, un volant approximatif, un GPS parfois en panne et une boussole qui ne sait pointer que vers les récompenses immédiates.

L'énergie est là, débordante, mais très, TRES, difficile à canaliser.

On plonge tête baissée dans de nouvelles activités avec passion, jusqu'à en oublier le temps... et parfois nos besoins les plus primaires comme manger ou aller aux toilettes.

Mais à l'inverse, maintenir cette intensité sur la durée (ou à la demande) relève du défi.

C'est comme essayer de courir un marathon en sprintant dès le départ. On finit par s'épuiser avant d'atteindre la ligne d'arrivée.

Le moteur qui cale

Paradoxalement, le TDAH n'est pas forcément synonyme d'hyperactivité tout le temps (ou tout court).

Il y a aussi ces moments où le cerveau semble comme refuser de démarrer le corps.

Se lancer dans des tâches routinières, monotones, peuvent devenir de véritables montagnes à gravir.

Faire la vaisselle, trier des documents, remplir des formulaires administratifs... Autant d'activités qui peuvent entraîner une paralysie, un sentiment d'être englué dans du sable mouvant.

C'est frustrant.

On sait ce qu'on doit faire, on veut le faire, mais il y a comme une barrière invisible qui nous en empêche. Et plus on force, plus la résistance semble grandir. C'est un peu comme se forcer à mettre sa main sur une plaque de cuisson. Physiquement on pourrait, mais le cerveau refuse.

Faire un effort ? Ça ne change rien, si ce n'est augmenter le stress et la frustration, et si ça marche, c'est au prix d'un épuisement extrême.

Organiser le chaos

Comme on l'a vu, le temps est une notion élastique pour ceux qui vivent avec le TDAH : Les heures peuvent filer à toute allure quand on est plongé dans une activité passionnante, comme si le monde extérieur cessait d'exister.

Mais à l'inverse, cinq minutes peuvent sembler une éternité lorsque l'on s'ennuie ou que l'on est obligé de rester assis sans bouger.

Cette perception altérée du temps rend la gestion des plannings et des échéances particulièrement compliquée. On se dit "j'ai le temps", puis soudain, la date limite est passée. Les retards s'accumulent, les excuses aussi, et avec elles, la culpabilité.

Si l'organisation était un sport olympique, les personnes avec un TDAH seraient souvent en bas du classement. Non pas par manque de volonté, mais parce que le cerveau a du mal à hiérarchiser les informations et les priorités. Les post-it s'entassent, les alarmes sonnent sans fin, les agendas restent désespérément vides ou bien griffonnés d'une écriture illisible.

Ranger ses affaires devient une épopée. On pose les clés "quelque part", puis on passe des heures à les chercher.

Les papiers importants se mélangent aux prospectus, et le courrier reste non ouvert pendant des semaines. C'est un peu comme essayer de résoudre un puzzle dont les pièces changent constamment de place.

Une anticipation jusqu'à la faute

Vous vous demandez pourquoi une personne atteinte d'un trouble de l'attention peut exceller à retrouver certains objets dans un fouillis, tout en étant incapable de voir un objet déplacé de quelques centimètres ou caché derrière un autre ? Ce paradoxe apparent découle d'une stratégie inconsciente, fruit de mécanismes de survie dans un monde qui lui semble toujours imprévisible.

Pour mieux comprendre, imaginez que la mémoire d'une personne avec un TDAH fonctionne comme une carte mentale détaillée, dessinée non pas par choix, mais par nécessité. Chaque objet, chaque emplacement, chaque détail est enregistré pour pallier une éventuelle distraction ou un oubli futur.

Mais, cette carte, bien que riche, n'est pas statique. Elle dépend de la constance du monde extérieur. Si un objet est déplacé sans que la personne en ait conscience, la carte mentale devient fausse, et retrouver l'objet peut être presque impossible.

Cette carte mentale repose sur des repères précis et des routines établies. Une légère altération, qu’elle soit visuelle, auditive ou liée à un changement de rythme, oblige le cerveau à réajuster, ce qui peut être épuisant.

Contrairement aux stéréotypes, une personne avec un TDAH n’est pas tête en l’air : elle jongle avec un flot d’informations incessant. Ce surplus d’informations n’est pas un signe de désorganisation, mais une tentative de gérer l’imprévisibilité d’un monde chaotique. C'est une vigilance constante, un travail mental invisible, qui rend la vie plus complexe sans que cela ne puisse être perçu de l'extérieur.

La personne avec un TDAH vit dans un état d’anticipation permanente, qui peut l’aider à exceller dans des situations inattendues, mais qui peut aussi la faire trébucher face à des changements mineurs. Un équilibre fragile entre la mémoire d’une précision redoutable et les failles d’un système sans cesse surchargé.

Une tempête dans le quotidien

Le TDAH ne se limite pas à l'intérieur de la tête ; il a des répercussions concrètes sur tous les aspects de la vie.

Socialement

Les interactions avec les autres peuvent être compliquées. On peut avoir du mal à écouter sans interrompre, à attendre son tour pour parler, et à l'inverse être interrompu est presque physiquement douloureux. Les nuances sociales, les sous-entendus, peuvent nous échapper. On peut passer pour insensible ou égocentrique, alors qu'on essaie simplement de suivre le fil de la conversation. On peut aussi avoir du mal à exprimer clairement sa pensée tant les idées se bousculent, ou les mots semblent manquer de clarté par rapport à la complexité de ce que l'on a en tête, apportant de la frustration lors de la prise de parole et lors d'incompréhension.

Scolairement

Les enseignants disent souvent "il pourrait réussir s'il s'en donnait la peine". Les difficultés de concentration rendent l'apprentissage laborieux. On peut passer des heures sur un devoir sans avancer, ou tenter de réviser mais avoir l'impression que rien ne rentre, comme si l'information était de l'eau sur les plumes d'un canard.

Professionnellement

Tenir sur une tâche de longue haleine peut sembler impossible. Les réunions prolongées deviennent des supplices. On peut oublier des rendez-vous importants, remettre à plus tard les tâches cruciales, ce qui peut être mal perçu par les collègues et/ou les supérieurs.

Personnellement

Les émotions peuvent être intenses et changeantes. Ce qui est logique vu la dose de stress auquel une personne atteinte de TDAH peut subir au quotidien. On peut passer du rire aux larmes en un clin d'œil. La frustration s'installe face aux échecs répétés, alimentant une faible estime de soi. La question "Mais qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?" revient souvent.

Un mur d'incompréhension

Le TDAH est souvent qualifié de "handicap invisible".

De l'extérieur, rien ne distingue une personne avec un TDAH des autres. Cette invisibilité rend l'incompréhension d'autant plus grande. Les proches peuvent penser qu'on manque de volonté, qu'on est paresseux ou irresponsable.

"Pourquoi tu ne peux pas simplement te concentrer ? Tu devrais faire un effort."

Ces phrases, on les entend souvent, et elles blessent parce qu'elles minimisent une réalité complexe. C'est un peu comme demander à quelqu'un avec une jambe cassée de courir un marathon sans béquilles.

Le pire c'est si le TDAH est associé avec un fort intellect : les autres voient la personne exceller dans certains domaines et ne comprennent pas l'échec dans d'autres domaines, parfois plus simples en apparence.

Mémoriser toutes les informations concernant un domaine d'une simple lecture, et incapable de retenir 3 articles à acheter lors des courses… Ah, on me dit qu'il y en avait 4, en fait. Oups.

La société valorise l'efficacité, la productivité, la conformité. Dévier de la norme est mal accepté. Cette pression constante, ces "échecs" à répétition, tout cela peut engendrer de l'anxiété, de la dépression, voire des idées suicidaires.

Se sentir en décalage, incompris, peut donc pousser à l'isolement, finalement plus reposant, moins violent.

Et à l'inverse si quelqu'un est enfin diagnostiqué, on lui dira "mais non tu es pas si anormal que ça". Finalement on renvoie à une personne TDAH qu'elle est pas assez anormale… Mais pas vraiment normale non plus. Pile je gagne, face, tu perds.

Des phares dans la nuit

Mais tout n'est pas sans espoir, loin de là. Des solutions existent pour apprivoiser le TDAH et naviguer plus sereinement dans la tempête.

L'acceptation

Reconnaître son TDAH est une première étape cruciale. Ce n'est pas une faiblesse, mais une différence neurologique. L'acceptation permet de déculpabiliser, de mieux se comprendre et d'expliquer aux autres ce que l'on vit. Ce n'est pas une "excuse", c'est une justification. Il ne vous viendrait pas à l'esprit de reprocher à un myope de ne pas pouvoir voir loin sans lunettes.

L'aide professionnelle

Consulter un spécialiste peut faire toute la différence. Les psychologues, psychiatres, neuropsychologues peuvent proposer des thérapies adaptées pour aider à développer des stratégies personnalisées. Car oui, il y a autant de TDAH que de personnes atteintes et il y a rarement une seule stratégie qui marchera pour toustes. Mais là encore, s'il peut y avoir des améliorations dans le confort de la personne touchée, le handicap reste présent, il ne faut pas s'attendre à des miracles.

Les traitements

Les médicaments peuvent aider à réguler l'attention et l'impulsivité. Encore une fois, cette solution n'est pas adaptée à toustes. Il est important de discuter avec un professionnel pour évaluer les bénéfices et les éventuels effets secondaires.

Les techniques d'adaptation

Mettre en place des routines, utiliser des rappels visuels ou sonores, décomposer les tâches en étapes plus petites. Trouver des outils qui correspondent à notre mode de fonctionnement. Là aussi un-e professionnel-le pourra vous aider à déterminer la meilleur technique pour vous.

La communication

Parler ouvertement de son TDAH avec ses proches peut favoriser la compréhension mutuelle. Expliquer ses difficultés, mais aussi ses forces, permet d'établir des relations où l'incompréhension est réduite, et donc la frustration de part et autre.

Le soutien

Rejoindre des groupes de personnes concernées par le TDAH peut offrir un espace d'échange et de partage (en ligne, au besoin). Se sentir compris et soutenu... et pas seul-e, est essentiel.

Le but de tout cela ne doit pas être de se conformer à un idéal neurotypique, mais de mieux s'approprier son handicap et d'en atténuer les effets dévastateurs.

Un atout sous-estimé

Au-delà des défis, le TDAH apporte aussi son lot de qualités.

La créativité

Un esprit qui vagabonde est souvent une source inépuisable d'idées originales. Les connexions finalement assez inhabituelles par rapport à la majorité des personnes peuvent mener à des innovations.

La passion

Quand une personne avec un TDAH est intéressée par un sujet, elle s'y plonge corps et âme. Cette hyperfocalisation peut mener à une expertise profonde en un temps record... et c'est ce qui sauve souvent l'individu lorsque la date limite approche (devoir, rapport...) !

L'adaptabilité

(Trop) habitué-e-s au changement et à l'imprévu, navigant en permanence dans le chaos, ces personnes sont souvent flexibles et réactives face aux situations nouvelles. Souvent c'est en période de crise, lorsque tout le monde est tétanisé, qu'une personne TDAH saura briller. Notamment car cette éventualité lui est déjà passée par la tête dans un moment d'égarement mental.

L'enthousiasme

Donnez à une personne TDAH un projet qui lui plait et vous verrez se dégager d'iel une énergie débordante peut être communicative et motiver les autres !

Une force à apprivoiser

Vivre avec le TDAH, c'est apprendre à naviguer dans une mer agitée. C'est vrai, les vagues peuvent être hautes, fouetter le visage, le vent puissant peut faire dévier le cap, mais avec le bon bateau et les bonnes cartes, le voyage peut être extraordinaire.

Entourez-vous de personnes qui vous comprennent, vous soutiennent et valorisent votre différence pour ce qu'elle apporte dans la relation au lieu de vous forcer dans un moule.

Il ne s'agit pas de lutter contre sa nature, mais de composer avec elle. De transformer ce qui peut sembler être une faiblesse en une force. D'écouter cette boussole intérieure, même si elle tourne parfois dans tous les sens, car elle peut mener vers des horizons insoupçonnés.

Embrassez la tempête, et laissez-la vous guider vers des terres inexplorées.