Une guerre à deux balles
Entre intrigues, alliances moustachues et un effet papillon hors norme, comprenez enfin le déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Salut à toustes, aujourd'hui on plonge dans un récit un peu explosif, mais ô combien fascinant qui retrace comment deux balles tirées à Sarajevo ont eu l'effet papillon le plus dévastateur du XXe siècle.
Un enchainement incompréhensible !
Le 28 juin 1914, l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche et sa femme Sophie se baladent dans les rues de Sarajevo en carrosse.
Boum, deux coups de feu du jeune Gavrilo Princip, un nationaliste serbe, viennent de faire basculer le monde dans une guerre mondiale.
Voilà ce que j'ai retenu de mes cours d'Histoire à l'époque, mais je n'ai jamais compris pourquoi cet assassinat a eu tant d'impact.
Préparez-vous à un voyage à travers les méandres de la diplomatie, des alliances et, bien sûr, des moustaches en guidon bien cirées de l'époque.
On va expliquer pas-à-pas comment l’assassinat de l'archiduc François-Ferdinand a allumé la mèche de la Première Guerre mondiale.
Bouclez votre ceinture temporelle, ça risque de secouer quelques neurones !
Pas n'importe quel archiduc
L'archiduc François-Ferdinand est bien plus qu'un simple membre de la noblesse fantaisiste d’un empire vieillissant.
Comprendre son rôle et sa position est essentiel pour saisir pourquoi son assassinat a provoqué une réaction en chaîne menant à la Première Guerre mondiale.
François-Ferdinand n'est pas un archiduc parmi d'autres ; il est l'héritier présomptif du trône dual de l'Empire austro-hongrois.
Cet empire est une mosaïque complexe de différentes ethnies, cultures et religions, unie sous la couronne des Habsbourg. Diriger un tel assemblage hétéroclite requiert non seulement habileté et diplomatie, mais également un symbole fort d'unité et de continuité dynastique.
En tant que futur empereur, François-Ferdinand représente la continuité de l'ordre impérial au sein de ce vaste empire multinational. Sa présence rassure les différentes entités de l'empire sur la pérennité de leur statut sous la domination Habsbourg.
Il est également perçu comme un potentiel réformateur. Il envisageait de restructurer l'empire en une fédération plus égalitaire, ce qui aurait pu atténuer les tensions ethniques internes. Ces idées de réformes étaient, cependant, une menace pour certains éléments conservateurs au sein de l'empire.
Sa volonté de réformer les structures était très surveillée par les nationalistes slaves du sud, notamment en Serbie, qui aspire à l'expansion et à l'unification des Slaves du sud hors du joug austro-hongrois.
L'assassinat de François-Ferdinand est bien plus qu'un simple acte de violence. Éliminer l'héritier du trône austro-hongrois devient un acte hautement politique, perçu comme une attaque directe contre l'État lui-même.
Cet acte n'ôte pas seulement la vie d'un homme, mais menace la stabilité de l’empire entier et de l’ordre européen tel qu’il est perçu par les puissances centrales.
L'assassinat est donc vu comme une humiliation par l'Autriche-Hongrie, obligeant à une démonstration de force pour compenser cette atteinte.
Les alliances, ce petit jeu explosif
En 1914, l'Europe est une toile d'alliances bien tendue, remplie de promesses secrètes et de poignées de mains bien fermes (avec des belles moustaches).
Nous avons
- la Triple Alliance avec l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie,
- la Triple Entente avec la France, la Russie, et le Royaume-Uni.
Oui ça fait 2 triples, c'est pas évident à retenir, donc voici une carte avec des couleurs :
Gardez bien ça dans la tête, ça sera très utile pour la suite, même si vous voyez déjà les dominos se mettre en place.
Le "problème serbe"
Plongeons un peu plus dans la complexité des Balkans pour mieux comprendre pourquoi, en plus de l'assassinat, l'Autriche-Hongrie avait déjà une belle envie de s'attaquer à la Serbie.
L'Empire austro-hongrois, à l'époque, était un sacré patchwork de peuples et d'ethnies. Imaginez un gros coussin que tout le monde tire de son côté : Hongrois, Tchèques, Slovaques, Slovènes, Croates, etc.
Au milieu de tout ça, l'Autriche-Hongrie voit avec un œil méfiant la montée du nationalisme serbe.
Pourquoi ? Parce que la Serbie, nouant des rêves d'unité panslave, inspire d'autres peuples slaves de l'empire à rêver d'indépendance. Elle est donc perçue comme l'instigatrice d'une agitation nationaliste, en particulier parmi les peuples slaves du Sud de l'empire.
L'Autriche-Hongrie voit donc la Serbie un peu comme un voisin bruyant qu'on aimerait faire taire une bonne fois pour toutes avant qu'il ne perturbe tout le quartier. Encouragée par son alliée l'Allemagne, a donc besoin d'un bon prétexte pour agir contre la Serbie.
Et OH BAH TIENS ! L'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois, tombe comme un cadeau (sinistre) du ciel. Cela leur fournit une justification en or massif pour accuser la Serbie de complicité et légitimer une action militaire.
Mais ce n'est pas tout. Dans cette danse diplomatique, l'Allemagne joue un rôle de partenaire motivant. Avec ce qu'on appelle le "chèque en blanc", elle rassure l'Autriche-Hongrie : « Ne vous inquiétez pas, si vous déclenchez une guerre contre la Serbie, nous vous soutiendrons ». Cette promesse allemande sert de coussin de sécurité, incitant Vienne à faire un pas audacieux.
Et donc, le 23 juillet 1914, l'Autriche-Hongrie envoie à la Serbie un ultimatum délibérément inacceptable. Rempli de conditions humiliantes, il est conçu pour être rejeté, offrant ainsi le prétexte absolument parfait pour lancer une action militaire.
Pour l'Autriche-Hongrie, c'est l'opportunité de régler la "question serbe" une fois pour toutes, une tentative de démanteler ce qu'ils considèrent être un nid de nationalisme et de déstabilisation.
La Russie comme protectrice des Slaves
La Russie, à cette époque, se voit comme la protectrice des peuples slaves, une sorte de grand frère protecteur. Ce rôle est en partie motivé par des liens culturels et ethniques, mais aussi par des intérêts politiques.
La Serbie, étant majoritairement slave, tombe naturellement sous ce "parapluie" de protection russe. L'Empire russe, en s’alignant avec la Serbie, cherchait à étendre son influence dans les Balkans, une région clé proche de la mer Noire, vitale pour le commerce et la stratégie militaire.
Dès que l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie, la Russie se retrouve devant un dilemme. Ne pas répondre signifierait perdre de la crédibilité et de l'influence parmi les Slaves des Balkans. C’est comme si votre cousin se faisait malmener et que vous tourniez le dos.
Ainsi, la Russie commence à mobiliser partiellement ses troupes pour se préparer à défendre la Serbie. C'est une manière d'envoyer un signal clair à l'Autriche-Hongrie et à son alliée allemande que la Russie ne restera pas passive face à une agression contre la Serbie.
La Réponse Allemande
L'Allemagne, ayant une alliance solide avec l'Autriche-Hongrie, voit cette mobilisation russe comme une menace directe. Pour les Allemands, une mobilisation russe ressemble à un avertissement, pouvant précéder une intervention contre l'Autriche-Hongrie, et par ricochet, contre leurs propres intérêts.
Dans cette atmosphère tendue, l'Allemagne envoie un ultimatum à la Russie, lui demandant de cesser sa mobilisation. Ici, il est essentiel de comprendre que l'Allemagne se sent encerclée par ses ennemis potentiels : à l’ouest la France, à l'est la Russie. Dans leur logique, mieux vaut "frapper le premier" pour éviter d'être pris en tenaille.
La Russie, motivée par la protection de la Serbie et aussi par sa propre stratégie, ignore cet ultimatum, poursuivant sa mobilisation militaire. L'Allemagne, restant fidèle à ses promesses envers l'Autriche-Hongrie et déterminée à ne pas montrer de faiblesse, réagit en déclarant la guerre à la Russie le 1er août 1914.
Les Alliances Franco-Russes
La France et la Russie sont liées par la Double Entente, un accord de défense mutuelle renforcé face aux pressions allemandes et austro-hongroises.
La France, toujours méfiante envers l'Allemagne depuis sa défaite humiliante en 1871 lors de la guerre franco-prussienne, sait que l'Allemagne représente une menace constante. Alors, lorsque l'Allemagne déclare la guerre à la Russie, la France se prépare à honorer son engagement et à mobiliser ses troupes en soutien à la Russie.
Consciente du danger d’une guerre sur deux fronts (contre la Russie à l'est et la France à l'ouest), l'Allemagne avait depuis longtemps prévu cette éventualité avec le Plan Schlieffen.
Ce plan militaire visait à réaliser une attaque rapide et décisive sur la France, via la Belgique, pour s’assurer de battre un ennemi avant de pouvoir entièrement se concentrer sur l'autre. En effet, l’idée était de balayer les forces françaises en six semaines, avant que la Russie ne puisse complètement mobiliser ses forces.
Le 3 août 1914, voyant que la guerre avec la France ne peut être évitée, l'Allemagne lui déclare officiellement la guerre. Pour mettre en œuvre le Plan Schlieffen, les troupes allemandes se dirigent vers la Belgique.
Pourquoi la Belgique, me direz-vous ? Parce qu’elle offrait un chemin relativement plat vers le nord de la France, contournant ainsi les défenses le long de la frontière franco-allemande.
Cependant, la Belgique était un pays neutre selon le traité de Londres de 1839, auquel les puissances européennes, y compris la Grande-Bretagne, avaient adhéré.
L’invasion de cette neutralité est donc perçue comme un acte d’agression majeure.
L'entrée du Royaume-Uni dans la Guerre
L’invasion allemande de la Belgique pousse le Royaume-Uni à agir. L'attitude britannique repose sur plusieurs critères : préserver la neutralité de la Belgique, maintenir l'équilibre des pouvoirs en Europe, et prévenir l'hégémonie allemande.
Lorsque les troupes allemandes franchissent la frontière belge, cela dépasse les bornes pour les Britanniques. En conséquence, le 4 août, un ultimatum est envoyé à l'Allemagne exigeant le retrait de ses troupes, et quand cet ultimatum est ignoré, le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne.
Ainsi, ce passage en force par la Belgique n'est pas une simple étape géographique, mais un catalyseur majeur qui finit d'engager tout le système des alliances. Ce mouvement piège l'Allemagne dans une guerre qu’elle espérait rapide mais qui se transforme en un conflit prolongé et mondial.
La violation de la neutralité belge non seulement rallie de manière décisive le Royaume-Uni à la cause alliée, mais engendre également une indignation mondiale contre l'agression allemande.
À l'époque de la Première Guerre mondiale, le Canada est un dominion de l'Empire britannique. Cela signifie que lorsque le Royaume-Uni entre en guerre, tous ses dominions, y compris le Canada, sont automatiquement engagés dans le conflit.
L'Italie, la Triple... Attente
À l'origine, l'Italie faisait partie de la Triple Alliance avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Cependant, sa position s'est avérée... quelque peu opportuniste.
Plongeons un peu dans les coulisses italiennes : L'Italie avait signé la Triple Alliance en 1882 avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie, un pacte qui devait être une alliance militaire défensive.
Cependant, les relations avec l'Autriche-Hongrie étaient tendues, principalement en raison de revendications territoriales italiennes sur des terres sous contrôle austro-hongrois, comme le Trentin et Trieste, des régions italophones.
Lorsque la guerre éclate en 1914, l'Italie choisit de ne pas entrer immédiatement en conflit aux côtés de l'Allemagne et de l'Autriche-Hongrie.
Pourquoi ? Eh bien, l'Italie argumente que la Triple Alliance était défensive par nature, et puisque l'Autriche-Hongrie avait déclaré la guerre à la Serbie, l'Italie n'était pas obligée de participer.
L'Italie adopte donc une position attentiste, allant jusqu'à négocier des accords avec les deux côtés. Elle joue sur les deux tableaux, espérant récolter le meilleur prix pour son soutien. Les Italiens commencent alors à négocier avec la Triple Entente (France, Royaume-Uni, Russie), sentant peut-être que c’est là que le vent de la victoire pourrait souffler.
En 1915, après des mois de tractations diplomatiques, l'Italie signe le Pacte de Londres avec les puissances de la Triple Entente. En échange de son entrée en guerre aux côtés des Alliés, l'Italie se voit promettre des gains territoriaux substantiels : le Trentin, le Tyrol du Sud, Trieste, et d'autres augmentations territoriales de l'Empire austro-hongrois.
Le 23 mai 1915, l'Italie déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie, mais pas à l'Allemagne tout de suite, réaffirmant ainsi sa priorité sur ses querelles locales et ambitions territoriales.
Roumanie et Bulgarie
La Bulgarie choisit de soutenir les Empires centraux en 1915 contre la promesse de récupérer la Macédoine.
En effet, pétries par des différends avec la Serbie et la Roumanie découlant des guerres balkaniques, notamment au sujet de la-dite Macédoine, les parties bulgares voient dans l'alignement avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie une chance de reconquérir ce qu'elles considèrent comme leurs territoires perdus.
Contrairement à la Bulgarie, au début de la guerre, la Roumanie adopte une position de neutralité, malgré une alliance défensive avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie datant de 1883.
Mais étant donné les liens culturels et territoriaux avec la France et la Russie, ainsi que les aspirations roumaines à recouvrer des territoires peuplés de Roumains mais sous contrôle austro-hongrois, la Roumanie décide de s’engager aux côtés des Alliés en 1916 après avoir reçu la promesse que la Transylvanie, la Bucovine et le Banat lui seraient accordés après la guerre.
Le Portugal et le colonialisme
Le Portugal, bien que souvent moins évoqué dans les récits de la Première Guerre mondiale, joue néanmoins un rôle important qui découle de la dynamique coloniale et de ses alliances plus anciennes.
Et c'est un parfait pays pour aborder un aspect souvent oublié dans les guerres mondiales: le continent africain, sous égide colonialiste à l'époque.
À l'aube de la guerre, le Portugal est sous la direction d'un régime républicain nouvellement établi, cherchant à consolider sa position à la fois en Europe et sur le plan international. Depuis le XIXe siècle, le pays est un allié de la Grande-Bretagne par le biais de la plus ancienne alliance diplomatique en Europe, le traité anglo-portugais signé en 1386. Ce lien historique influence considérablement la politique du Portugal au début du XXe siècle.
Face à l'expansion allemande en Afrique et les tensions croissantes autour des colonies, le Portugal voit ses intérêts menacés, notamment en Angola et au Mozambique, qui sont confrontées aux ambitions territoriales allemandes au sud et à l'est.
En 1916, après des mois de pression diplomatique et alors que le pays sécurise des zones africaines face aux incursions allemandes, le Portugal décide d'entrer en guerre aux côtés des Alliés.
Et les Etats Unis ?
Les États-Unis restent neutres durant la majeure partie du conflit, observant de loin les rivalités européennes. Le président Woodrow Wilson prône une politique de neutralité. La plupart des Américains ne voient pas l'intérêt d'intervenir dans un conflit européen lointain.
Cependant, plusieurs facteurs finissent par les entraîner dans la guerre en 1917.
Les sous-marins allemands (U-boats), coulent des navires marchands, y compris ceux contenant des passagers américains, tels que le Lusitania en 1915, causant un tollé public. Les U-boats menacent donc non seulement le commerce américain avec l'Europe, mais aussi des vies américaines.
Un télégramme allemand intercepté (le télégramme Zimmermann) propose une alliance avec le Mexique contre les États-Unis, ce qui attise l'indignation publique américaine.
Le 6 avril 1917, les États-Unis déclarent la guerre à l'Allemagne. Ce mouvement est justifié par la nécessité de protéger les intérêts américains et, à plus large échelle, de "rendre le monde sûr pour la démocratie" (un argument qu'on connait bien).
Un jeu de dominos inéluctable
Voilà donc comment par une série d’engagements, de prévisions militaires mal calculées, d’interprétations diplomatiques et d'intérêts nationaux, l’Europe en est venue à voir s’embraser tout un continent.
Ce ne sont finalement pas les fusils ou les canons qui ont déclenché la Première Guerre mondiale, mais un complexe réseau d’alliances, de stratégies militaires et de décisions politiques prises loin d'un quelconque front.
On se retrouve alors dans le chaos de la Première Guerre mondiale, une véritable boucherie de tranchées, d’avancées ridicules, et de millions de vies sacrifiées pour un jeu d’alliances où chaque nation pensait pouvoir jouer et gagner avec un as dans sa manche.
Deux balles qui n'étaient qu'une simple étincelle dans un monde saturé de combustibles inflammables.
Heureusement qu'une telle tension, c'est du passé, n'est-ce pas ?